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Le complexe du chimpanzé, R. MARAZANO, J.-M. PONZIO, Dargaud, 2007

 

Une capsule spatiale inconnue s’abîme dans l’océan. Ce qu’elle contient est tellement perturbant qu’elle tombe directement sous secret défense. Hélène, astronaute de la NASA, est dépêchée pour intervenir auprès de ses occupants… qui ne sont autre que Buzz Aldrin et Michael Collins, les 2 deux astronautes ayant accompagné Neil Armstrong sur la mission Apollo XI. Or, ils sont censés être revenus sur terre 70 ans auparavant, avant de mourir de leur belle mort. Sont-ils ce qu’ils prétendent être ? que s’est-il passé sur la lune, en 1969 ?

Hélène va embarquer avec son équipe sur un vol à destination de la lune afin de répondre à toutes ces questions perturbantes… il n’est pas sûr que les réponses qu’elle va y trouver soit en mesure de la rassurer sur la place de l’homme dans l’univers.

Voilà une BD de SF « intellectualisante » qui lorgne définitivement plus vers les perspectives philosophiques de « 2001 l’odyssée de l’Espace » que vers « Starship Troopers » ! Le postulat se base sur un principe de la physique quantique, le principe d’incertitude d’Heisenberg : dans l’infiniment petit, l’observation des particules est telle qu’on ne peut qu’émettre des probabilités sur leur position. Or, l’homme n’est rien d’autre que l’une de ces particules à l’échelle de l’univers…

Bon, l’idée est excellente. Mais le dessin parfois photo-réaliste rend le tout très figé et complique le processus d’identification nécessaire à toute bonne histoire de SF. Sans ça, difficile de se projeter dans l’univers avec les personnages et adieu le « sense of wonder »… Cela dit, il y a vraiment des choses très intéressantes, et on se prend bien la tête pour essayer de saisir les implications de ce que découvrent les héros… dommage qu’ils soient aussi « gnan-gnan » !!!

Yves

Le cycle des inhibiteurs T.1et T.2, Alastair REYNOLDS, Pocket, 2004

 

L’arche de la Rédemption suivi du Gouffre de l’absolution

Les héros de l’Espace de la Révélation ont été bien secoués. Dan Sylveste a été absorbé par la matrice de l’Etoile Neutronique Hadès, accédant ainsi à l’immortalité. Khouri et Ilia ont infiltré les sphères du pouvoir totalitaire sur Resurgam, dont ils veulent planifier l’évacuation totale. Car tout indique que les inhibiteurs, ces machines non humaines dont l’unique but est de « nettoyer » les civilisations trop avancées ont pénétré dans le système de Delta Pavonis pour s’occuper de l’espèce humaine… Pendant ce temps, alors que la guerre fait rage entre les factions humaines Conjoineurs et Demarchistes, 2 conjoineurs, Skade et Clavain, s’affrontent pour la possession des armes infernales détenues par Ilia et Khouri. Eux aussi veulent affronter les Inhibiteurs… mais avec des stratégies bien différentes…

Bon, si vous n’avez rien compris à ce résumé, pas d’affolement… c’est normal !!! L’Espace de la Révélation était un roman tellement et riche et touffu qu’il est difficile de prendre le train en marche, même si Alastair Reynolds distille régulièrement des petits résumés pédagogiques… Autrement, la recette est la même que dans le premier volet : guerre et science, science et encore science… Car si vous voulez savoir comment siphonner la matière d’une planète pour l’envoyer au cœur d’une étoile et produire un lance-flamme cosmique, ces livres sont pour vous…

Par contre, sur 3 tomes, une petite critique. Entre plusieurs temporalités différentes (les héros qui ne peuvent dépasser la vitesse de la lumière sont parfois séparés d’une centaine d’années-lumière) et explications scientifiques vertigineuses, l’action principale prend parfois un peu trop de temps à avancer, et il faut vraiment s’accrocher pour ne pas lâcher… Mais si l’on y parvient, le résultat est hyper gratifiant. Alors, prenez un congé sans solde, 3000 pages de pure SF vous attendent.

Yves

L’espace de la révélation, Le cycle des inhibiteurs T.1, Alastair REYNOLDS, Pocket, 2004

 

Sur la colonie spatiale de la lointaine planète Resurgam, dans le système de Delta Pavonis, Dan Sylveste effectue des recherches archéologiques sur les traces d’une mystérieuse civilisation extra-terrestre. A bord du vaisseau interstellaire le spleen de l’infini, Volyova est en quête d’un moyen de guérir son capitaine, victime d’une maladie connue sous le nom de Pourriture fondante. Celui qui détient ce remède porte un nom : Dan Sylveste.

 

Sur Yellowstone, dans la mégalopole Chasm City, la tueuse à gage Khouri est contactée par une personne mystérieuse, la Demoiselle, pour traquer et éliminer Dan Sylveste.

 

 

Qui est Dan Sylveste ? Pourquoi est-il au cœur d’autant d’histoires dramatiques ? Et quelle est la place des Amarantins, cette race éteinte, mi-homme mi-oiseau, qui semble avoir disparu dans des circonstances apocalyptiques ?

 

 

Voici le premier tome du cycle des inhibiteurs d’Alastair Reynolds, dont j’avais déjà parlé à l’occasion d’une note sur « La cité du gouffre », tome 2 indépendant de cette œuvre riche, dense et foisonnante, un « stand alone », pour causer riche ! Nous voici cette fois au seuil de cette saga vertigineuse, énorme, cosmique, épique.

 

 

Avec Reynolds, nous sommes dans la hard science fiction, chaque trouvaille a une description scientifique précise, réaliste (du moins de mon point de vue de novice). Autre détail croustillant et signe de cette intransigeance scientifique : les 3 héros vivent à 3 époques séparées sont séparés chacun de plusieurs dizaines d’années au départ. La raison en est simple. Dans les univers d’Alastair Reynolds, il y a une limite indépassable pour la science : la vitesse de la lumière. Dès lors, bridés par ce seuil, les hommes sont condamnés à des voyages en hibernation de plusieurs dizaines d’années entre chaque planète. Les 3 récits ne vont converger qu’au milieu du livre, lorsque les personnages en déplacement dans l’espace seront arrivés au terme de leur périple, la planète Resurgam.

 

Mais surtout, l’univers créé par Alastair Reynolds bénéficie d’une profondeur d’existence, d’une consistance historique et d’une mythologie passionnante digne des grands space opera classiques, Fondation, Dune et Star Wars en tête. Résultat : on y croit ; on s’implique et on se laisse emporter par le « sense of wonder », ce vertige émerveillé qui nous prend face à l’ampleur cosmique des évènements.

 

 

Certains ont critiqué le manque de profondeur psychologique des personnages. Ça n’est pas dénué de fondement, mais l’essentiel est tellement ailleurs que l’on pardonnera aisément ce petit défaut. D’autres ont également souligné la lenteur avec laquelle le récit prend son envol. Oui, d’accord. Mais les « préliminaires » sont tellement riches et posent tellement de bases de cet univers que l’on a hâte de retrouver dans les tomes suivants que là aussi, on pardonne avec bienveillance.

 

 

En d’autres termes, si vous voulez VRAIMENT vous évader avec de la SF, mais que vous trouvez que les concept de « force » et de « Jedi », c’est quand même un peu cul-cul, tout en voulant retrouver le souffle épique, en vous sentant EN PLUS un peu plus intelligent à la fin du volume, foncez sur ce tome 1, moi je ne vais pas tarder à me jeter sur le 3.

Yves

 

Trilogie SPIN / AXIS / VORTEX, Robert Charles WILSON, Tor Books, 2012

Une nuit, trois enfants assistent sans comprendre à la disparition des étoiles. La terre entière vient d’être enveloppée dans une membrane mystérieuse, vite surnommée le Spin, qui l’isole du reste de l’univers, sous les feux d’un soleil artificiel. A chaque minute qui passe sur terre, des dizaines de milliers d’années s’écoulent en réalité. D’où vient le spin ? Qui sont les Hypothétiques qui l’ont mis en place, que veulent-ils ? Surtout, comment les hommes vont-ils vivre dans ce nouvel environnement qui leur échappe complètement. Voici l’intrigue du premier roman de la trilogie du spin. Je ne dévoilerai pas celle des deux autres volumes, afin de ne pas déflorer la conclusion du premier…

A travers le récit de la vie de ces trois enfants dans le monde du spin, jusqu’à l’âge adulte, c’est toute la fragilité et la détresse propre à la condition humaine qui est décrite ici. Loin des héros classiques que l’on peut trouver dans les sagas de SF, qui ne restent pas passifs, qui combattent, cherchent à influer sur les évènements, déjouer des menaces, dans des combats parfois épiques, les personnages de Robert Charles Wilson sont ici complètement dépassés, désarmés. A part le personnage de Jason qui, devenu un scientifique très renommé, cherchera toute sa vie à faire échapper l’humanité au spin, les héros ne font rien de plus extraordinaire que le reste des humains. Car c’est une constante de ces trois romans : Les personnages s’interrogent, ils aiment, ils souffrent… ils vivent leur vie en somme, mais jamais ils n’ont de prise sur les évènements, ou si peu… Pourtant, les romans ne sont pas exempts de rebondissements cosmiques absolument merveilleux.

Car il y a bien deux principales forces dans ces trois romans, tout particulièrement d’ailleurs dans le premier, « spin ».

 La première, c’est l’originalité et la puissance de l’idée de départ, celle de cette membrane spin, ainsi que la description époustouflante des conséquences impressionnantes que cela a pour la terre en tant qu’écosystème (l’homme étant l’une des espèces de cet écosystème) dans l’univers… La largeur de champ du roman laisse parfois pantois, et chaque volume a son idée force, chacune avec une puissance poétique absolument remarquable. La membrane Spin, bien sûr, mais sans en dévoiler trop, la pluie de cendres dans Axis, et l’état nomade de Vox dans Vortex… Lisez, vous comprendrez et ne serez pas déçus !

La seconde, c’est la dimension paradoxalement humaniste du travail de Wilson. Bien que l’homme soit complètement dépassé et minuscule dans l’univers tel que le conçoit l’auteur, c’est bien l’être humain qui est au cœur du romain. L’auteur adopte un point de vue très intimiste, très proche de ses personnages, auxquels on s’attache rapidement car ils sont plus que crédibles, ils sont réels. Grâce à une grande finesse d’écriture, une grande délicatesse et une bonne connaissance des tréfonds de l’âme humaine, Wilson fait de l’empathie totale un enjeu absolu.

Tout cela fait de la trilogie Spin une œuvre de SF particulièrement originale et forte, avec un propos et une ambiance qui marquent durablement le lecteur.

Yves

Australia Underground, Andrew Mc GAHAN, Actes Sud, 2008

Une vision noire de l’après 11 septembre avec une plongée dans l’extrémisme et le fascisme, … et la sur-manipulation politico-économique au profit de l’ultralibéralisme.
Le summum de la machination d’état.
… que l’homme est petit…
A part ça, l’action est au rendez-vous, sans aucune pause.
C’est l’anti-James Bond.

Johanna

Vanille ou chocolat ?, SHIGA, Cambourakis, 2012

Si vous êtes un garçon et ancien ado de surcroît, vous vous rappelez peut-être les « livres dont vous êtes le héros ».

A la fin de chaque séquence, plusieurs options scénaristiques vous étaient offertes, renvoyant à un numéro de paragraphe différent.

Ce principe, Jason SHIGA a eu l’idée démentielle de l’appliquer à la Bande Dessinée.

Sauf qu’au lieu d’un numéro de chapitre, c’est une flèche qui vous emmènera vers la direction choisie, sur une page différente.

Sur une même planche coexistent ainsi plusieurs fragments de différents « futurs » possibles… Le tout au service d’une histoire de SF maline, à l’humour très grinçant.

Autant dire que nous avons là un objet éblouissant, qui pousse très loin les possibilités graphiques et narratives de la BD. Un livre, 3856 histoires possibles… 

Livre en compétition pour Cap BD 2013


Vous pouvez trouver ce livre dans toutes les bibliothèques du Val d’Ille

Hyperion, T. 2 La chute d’Hyperion, Dan SIMMONS, Robert Laffont, 2000

Le premier tome avait laissé nos 6 pèlerins à l’instant même où ils marchaient vers les tombeaux du temps, ce lieu mystique où se rejoignent présent et futur. Leurs histoires avaient été racontées, l’enjeu de leur présence commençait à se dévoiler, l’ombre mystérieuse et menaçante du Gritche planait sur eux.

Le tome 2 reprend exactement à la suite du premier, mais avec une construction littéraire totalement différente. Là où le tome 1 enchaînait et articulait les récits des pèlerins de manière très linéaire, chacun dans un style littéraire différent (polar, récit d’aventure…), le tome 2 procède différemment : on apprend l’existence d’un nouveau Cybride (une espèce d’androïde hébergeant une intelligence artificielle construite autour d’une personnalité humaine ayant existé, dans ce cas précis le poète John Keats… oui dit comme ça, ça peut tout de suite effrayer !) qui a la capacité de « rêver » les évènements qui se passent sur Hypérion, et donc le destin des pèlerins. On papillonne donc au gré de ses « rêves » entre les différents récits, liés entre eux par le récit des aventures du Cybride même.

Plusieurs questions étaient en suspens. Pourquoi ces 6 pèlerins, et pas d’autres. Qu’est réellement le Gritche ? Quelles sont les intentions du Technocentre, cette Assemblée d’Intelligences Artificielles collaborant avec les humains depuis la destruction de la Terre ? Et que veulent les Extros, ces humains ayant refusé d’intégrer l’Empire lors de l’exode qui s’ensuivit ?

Autant vous le dire : toutes les réponses seront effectivement données, comme le clame la 4e de couverture. Mais la question est : allons-nous y comprendre quelque chose ? J’exagère, parce que l’on y comprend quelque chose, mais avant, il faut traverser une épopée mystique aux considérations religieuses et philosophiques parfois un peu… comment dire… arides. En cela, le roman rappelle furieusement la trilogie divine de Philip K. Dick déjà chroniquée dans ce blog. Heureusement, la fibre aventureuse d’Hypérion est plus développée que celle de Siva et le roman est nettement moins compliqué à lire.

Le véritable défaut du roman est que tous les fils narratifs ne sont pas également intéressants. Si je me suis passionné pour le destin de Saul, venu sur Hypérion sauver sa fille qui rajeunit jusqu’au jour de sa naissance, d’autres m’ont moins enthousiasmé, comme le récit du Cybride qui fait un peu pièce rapportée. Néanmoins, malgré ses aspérités évidentes, le cycle d’Hypérion est impressionnant par la densité, la richesse de l’univers créé et le souffle épique des évènements qui le secouent. Un classique, donc.

Yves

Hypérion, Dan SIMMONS, Robert Laffont, 1999

La Terre n’est plus depuis longtemps. L’Humanité a colonisé une bonne partie de l’univers connu, nouvel empire romain stellaire, le Retz, dont les mondes sont reliés entre eux par des portes abolissant l’Espace et le Temps. Le pouvoir en place, l’Hégémonie,maintient un semblant d’ordre, poursuit l’expansion du Retz aux zones des confins, mondes colonisés n’ayant pas encore livrés tous leurs mystères.

C’est sur l’une de ces planètes, Hypérion, qu’ont ainsi été découverts les Tombeaux du Temps, qui hébergent une créature mythique et meurtrière, le Gritche, objet d’un véritable culte dans tout le Retz. Des pèlerinages officiels s’y rendent régulièrement, dont peu reviennent vivants. Qui est le Gritche ? Que sont réellement les Tombeaux du Temps ? Avec ces questions en tête, sept pèlerins se rendent sur Hypérion. Un poète maudit, un soldat implacable, un homme politique, une détective, un universitaire dont la fille vieillit à l’envers, un prêtre et un Templier. Ce livre raconte leurs histoires, leur drames personnels qui les lient au Gritche et les mènent à accomplir ce périple désespéré où rien n’est ce qu’il semble être…

Hypérion est considéré à juste titre comme un chef d’oeuvre de la science fiction, et un chef d’oeuvre tout court à mon sens. Si le genre peut être rapproché de celui du space opera (action à l’échelle de l’univers, races extra terrestres, guerres interstellaires, vaisseaux immenses qui voyagent à travers l’espace et le temps…), le propos littéraire est extrêmement ambitieux. Je passe vite sur le fait que le livre reprend la trame des Contes de Canterbury de Chaucer, parce que je suis bien incapable de savourer cette référence… La structure du livre alterne récit principal (le pèlerinage) avec les souvenirs de chacun des sept protagonistes. Le tour de force est le suivant : chaque histoire est écrite dans un style littéraire différent, pastiche de genre bien connu : le polar, le récit d’exploration, le récit de guerre, le style poétique… chacun est un pastiche (et non une parodie) parfaitement maîtrisé où les éléments se font peu à peu écho les uns aux autres pour dessiner une trame totalement invisible au début du livre.

La grande réussite ? Le premier récit est génial, le suivant aussi, et on aborde le passé de chaque personnage en se disant que ça ne pourra pas être aussi passionnant que le précédent. Raté ! A part le récit du poète, plus ardu par passages, jamais l’intérêt ne tombe au fur et à mesure que l’on s’aperçoit que les pièces du puzzle s’emboîtent magnifiquement.

Hypérion est le début d’un cycle de 4 volumes. Je vais dévorer la suite dès que possible.

Yves

Pour en savoir plus sur Dan SIMMONS

La Cité du Gouffre, Alastair REYNOLDS, Pocket, 2005

Dans un futur très lointain, dans une galaxie très très lointaine… L’humanité a colonisé l’espace, mais sans espoir de revenir un jour sur terre. Sur la planète Sky’s Edge, Tanner Mirabel est un mercenaire, le meilleur. Et il est en chasse. Il traque Argent Reyvich l’homme qui a assassiné son patron, Cahuella, et la  femme de ce dernier, Gita, dont il était secrètement amoureux. Mais très vite, il tombe dans un guet apens. Son co-équipier est assassiné, et son corps inanimé est congelé et transporté vers la planète Yellowstone et sa capitale Chasm City, dont les habitants vivaient dans le luxe et avaient accédé à l’immortalité en truffant leur organisme de nanomachines réparant au fur et à mesure les dégâts de la maladie et du temps. Or, quelques années plus tôt, Chasm City a été dévastée par un mystérieux virus qui a rendu folles ces machines, massacrant les habitants et faisant muter jusqu’aux buildings eux-mêmes…

C’est dans cette société post-apocalyptique que Tanner reprend sa traque… mais lui-même a été infecté par un autre virus, qui lui donne les souvenirs du légendaire Sky Haussmann, premier colon mythique de Sky’s Edge, et brouille les cartes… Cahuella… Tanner… Argent… Sky… Dans les tréfonds poisseux de la cité du gouffre… dans ses hauteurs aristocratiques, un puzzle déroutant est en train de se mettre progressivement en place.

 

Attention !! Voici le livre qui, avec le cycle de Fondation d’Asimov, me redonne envie de lire frénétiquement de la Science-Fiction ! Ce roman de mille page (gloups) fait partie du cycle des Inhibiteurs, mais peut être lu à part, car il se situe simplement dans le même univers, la même mythologie, mais offre une histoire totalement indépendante.

 

Bon, le résumé fait un peu série B, j’en conviens… mais imaginez un croisement entre Blade Runner, pour la description urbaine et sociale, et un Ellroy première époque, c’est-à-dire « hard boiled » (dur à cuir) à souhait… Je pousse un peu dans la comparaison, ce roman n’est pas un chef d’œuvre mythique qu’est Blade Runner mais un excellent roman caractéristique de ce que l’on appelle le « nouveau space opéra » : l’histoire se déroule à l’échelle de la galaxie, il y a des vaisseaux spatiaux déments, des technologies futuristes qui ouvrent des possibilités incroyables mais posent des problèmes éthiques gravissimes… mais surtout, surtout, le « New space op’ » efface le manichéisme simpliste qui rampe dans les classiques du genre, style « Star Wars » (et c’est un fan qui vous dit ça)… Ici, même les gentils ont des motivations complexes pas forcément recommandables, et les méchants n’ont pas tout le temps tort… bref, la vraie vie, quoi !

 

La cité du gouffre en est un excellent exemple, et surtout, elle fait de Chasm city et de sa description un acteur à part entière de l’histoire, dont la description ne peut que fasciner et favoriser l’immersion… Autre excellent point, Alastair REYNOLDS fait de la « hard science »… Scientifique de formation et de métier, il met un point d’honneur à la crédibilité des concepts qu’il avance… surtout, il y a quelque chose d’étonnant dans ses romans : la vitesse de la lumière est indépassable… Autrement dit, pas d’hyper espace à bord du faucon millenium ou de l’Enterprise !  les voyages stellaires durent des années, et lorsque l’on veut se déplacer d’un système à l’autre, on en a pour 30 ans, donc 60 aller-retours…  autant dire qu’il faut se faire cryogéniser et tout laisser derrière soi !

 

Pour faire simple, j’ai adoré, et je vais lire (presque) de ce pas le tome 1 du cycle, L’espace de la révélation.

Yves

Livre disponible à la bibliothèque de Saint-Médard/Ille

Pour en savoir plus sur Alastair REYNOLDS

 

Le livre de Dave, SELF, Editions de l’Olivier, 2010

Imaginez que l’humanité ait été dévastée par un Déluge géant et soit retournée à l’ère pré-industrielle. Que le Livre Sacré des survivants de l’Archipel d’Angleterre, leur seule source pour se représenter le monde et comprendre leur histoire, soit un livre écrit par un chauffeur de taxi londonien des années 2000, Dave. Mais pas n’importe quel livre. Un livre où Dave, asocial, rendu presque fou par un mariage raté, les difficultés liés à la garde de son fils et l’abus de tranquillisants, a vomi toute sa colère, ses angoisses, son ressentiment et sa haine envers son ex-épouse, la société en général et envers lui-même.

Autour de ce Livre, une société  a été construite, une théocratie toute entière bâtie sur la ségrégation Homme/Femme, ou plutôt entre les papas et les mamans, autour du concept de Rupture. Dave y est vénéré comme seul et unique Dieu par un clergé tenu d’une main de fer depuis les vestiges de Londres par le PCO, souvenir du Public Carriage Office, organisme gérant les licences de taxi au XXe siècle. Les enfants, à l’image du Garçon Perdu, passent de leur père à leur Mère lors de l’Alternance. L’univers lui aussi est formaté selon le regard de Dave. Le ciel y est le pare-brise, le soleil le phare, la lune l’antibrouillard, le vent l’antibuée… Le langage est issu directement de l’argot du chauffeur londonien, transcrit en phonétique… N’en disons pas plus pour ne pas déflorer toutes les trouvailles géniales de l’auteur.

Le livre de Dave, c’est le récit alterné de ces deux époques : la quête de vérité d’un jeune garçon, Carl, à la recherche de son père et d’une Seconde Révélation ; l’histoire de Dave, depuis sa rencontre avec sa femme dans les années 80 jusqu’à son destin final, parcours halluciné d’un homme sans cesse au bord de l’implosion, qui par certains aspects rappelle A Tombeau Ouvert, adapté au cinéma par Martin SCORSESE. Les deux ères se font écho, fausses jumelles, où se nouent des drames parallèles, noirs et implacables, dans deux mondes en décomposition où les dernières parcelles d’humanités ne semblent peser que peu de poids.

S’il y a bien un livre atypique, original, surprenant, en cette année 2010, eh bien c’est certainement celui-là (bien que sans la prétention d’avoir lu toute la production littéraire de cette année !)… si l’on survit au premier chapitre, qui nous balance sans explication dans cette société post-apocalyptique où tout est étrange, tant dans le vocabulaire employé pour les descriptions de paysages ou de personnes, que dans le langage phonétique utilisé par ces dernières. Là, c’est vrai qu’il faut s’accrocher… le second chapitre nous permet de raccrocher quelque peu les wagons, retournant dans le Londres des années 2000 et mettant en place les premières clés qui permettent de décrypter le Futur et de le mettre en relation avec le Présent. Mais après, c’est parti, on ne s’arrête plus, on est avide de comprendre, d’en savoir plus. Si le livre commence de manière légère, presque comique, en raison du caractère presque infantile du langage des adorateurs de Dave, on déchante vite. A la fois drame social, psychologique et anticipation digne du Meilleur des Mondes ou de 1984, Will SELF invente un univers complet, fouillé, crédible ; il mélange les genres, renverse les clichés, pour créer une œuvre qui devrait rester dans les annales… et qui pourrait faire un film incroyable, entre Sa Majesté des Mouches, le Seigneur des Anneaux, Brazil et Taxi Driver…

Et on ne le précise pas souvent, mais on doit un immense respect au traducteur qui a du passer un certain nombre de nuits blanches pour rester sur la banquette du Taxi infernal de Dave…

Yves

Livre disponible à la bibliothèque de Saint-Médard/Ille

Pour en savoir plus sur Will SELF


Will Self – Le Livre de Dave (Mediapart)